Le féminisme est en crise. Il faut faire des choix. Le mouvement des femmes sera-t-il un authentique mouvement de libération pour les femmes, une force de redistribution égalitaire du pouvoir, des ressources et des opportunités ; ou le féminisme ne sera-t-il qu’un timide coup de pouce en faveur de réformes superficielles, surtout des mœurs, parfois des normes ou des pratiques sociales ou juridiques ? Le féminisme sera-t-il un mouvement politique qui affronte le pouvoir des hommes sur les femmes, pour l’abolir ; ou le féminisme ne sera-t-il qu’un choix de « style de vie », une tendance post-moderne ou une vague mode récurrente ? Le féminisme se consacrera-t-il à l‘élimination, plutôt qu’à l’aménagement, du viol, des violences conjugales, de l’inceste, de la prostitution et de la pornographie – les pires violations des droits humains des femmes ; ou le féminisme se contentera-t-il que la plupart des gens disent déplorer ces violences alors même qu’elles se poursuivent sans trêve ? Le féminisme poursuivra-t-il sa politique difficile et onéreuse d’affrontement et de rébellion contre le pouvoir des hommes dans l’espace public et dans la sphère privée, de résistance à un statu quo qui considère l’infériorité civile des femmes comme naturelle, sexy et de peu d’importance ; ou verra-t-on un contingent d’élite de femmes, investies par les médias d’une influence (mais pas du pouvoir), continuer à démontrer (pour que le reste d’entre nous l’apprenne) comment parler gentiment et agréablement aux hommes, comment leur demander poliment et de façon féminine d’arrêter de nous exploiter ? – Andrea Dworkin, dans son discours « Feminism Now », 1987, publié en 1988 dans l’anthologie Letters from a War Zone.
Traductrice et traducteur : Caroline Rigal, Julien Michaliszyn
Révision : TRADFEM

Ce livre est téléchargeable gratuitement au https://www.feministes-radicales.org/wp-content/uploads/2010/11/Andrea-DWORKIN-Letters-from-a-War-Zone-Writings-1988.pdf
Commentaire affiché sur Facebook: » Écrit il y 30 ans. Incroyable comme ces mots résonnent vrai aujourd’hui. Cette femme a vu l’avenir. »
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Entièrement d’accord avec vous, elle était visionnaire. Quand je lis « réformes superficielles », « choix de style de vie », « tendance post moderne », « aménagement de la pornographie » et surtout « élites de femmes investies par les médias », j’ai l’impression d’y reconnaitre le féminisme français : toujours à la recherche d’argent, toujours plus proche du pouvoir masculin et au service de ses intérêts, toujours très conciliant et dans la flatterie, toujours très raciste aussi, jamais radical, à peine abolitionniste, sans aucune réflexion approfondie sur ses relations avec le mouvement lgbtqi.
En gros, de la poudre aux yeux, des postures et des impostures, de la déliquescence à l’état pur à l’image de tout le militantisme français…..
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