Les militants transgenristes et la véritable guerre menée contre les femmes

Dépêche de la nouvelle ligne de front dans la défense de la liberté d’expression

Par Judith Green, du groupe Woman’s Place UK, dans The Spectator, le 8 mars 2018

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« This is what a Feminist Looks Like. » Qui cherche à faire taire les féministes?

Dans quelle mesure est-il difficile pour les femmes de discuter librement du sexe, du genre et de la loi ? Pas beaucoup, pensais-je. J’avais entendu parler de quelques incidents de censure sur certains campus britanniques, où des conférencières, dont Germaine Greer, ont été empêchées de prendre la parole à cause de leurs opinions. Ce que je n’avais pas réalisé était à quel point le problème s’était propagé. Au cours des derniers mois, j’ai découvert de première main que le débat politique se rétrécit pour tout le monde – et que la peur et l’intimidation sont de plus en plus utilisées pour restreindre la liberté d’expression.

Je fais partie d’un petit groupe de femmes qui se réunissent pour discuter des changements proposés dans la loi permettant de changer de sexe légal. Notre groupe a pour nom Woman’s Place UK. Mais à cause du contenu de nos discussions, certains activistes extérieurs veulent mettre fin à nos activités. Ils font de leur mieux pour y arriver. Les gestionnaires des salles que nous réservons subissent leur harcèlement, les femmes qui s’y présentent sont rudoyées, nos organisatrices sont la cible de menaces. Pour notre plus récente assemblée, qui s’est tenue à Londres la semaine dernière, nous avons dû attendre quelques heures avant le début pour en divulguer l’emplacement, simplement pour assurer notre sécurité.

Et tout cela pour la seule raison que nous souhaitons poser des questions sur certains changements qui pourraient avoir de graves conséquences pour nous en tant que femmes, pour nos enfants et pour la société dans son ensemble. Nous voulons parler du genre et des différences entre les hommes et les femmes, et si oui ou non la loi doit être réécrite pour permettre aux gens de changer plus facilement de sexe légal. Le gouvernement dit qu’il s’engage à faciliter « l’auto-déclaration ». Cela équivaut à ramener à une simple question de choix celle de déterminer si vous êtes légalement un homme ou une femme. Cela n’aurait rien à voir avec votre biologie ou la socialisation que vous avez reçue. À l’heure actuelle, la loi prévoit certains critères : si vous êtes un homme qui souhaite être désigné « femme », vous devez vivre en tant que femme pendant au moins deux ans et faire confirmer votre transition par un médecin. Certains militants qualifient cette règle de déraisonnable, et s’opposent à voir « médicalisé » un enjeu qu’ils perçoivent comme une question d’identité personnelle.

Les députés qui militent pour cette réforme espèrent modifier la Loi britannique de 2004 sur la reconnaissance du sexe (2004 Gender Recognition Act) afin que tout homme qui déclare « je suis une femme » ait pleinement accès à tous les droits, protections et lieux pour lesquels les femmes ont combattu et qu’elles ont remportés au cours du siècle dernier. Une partie de l’élan de cette réforme vient du Comité spécial sur les femmes et l’égalité, dirigé par la députée conservatrice Maria Miller. En plus d’appuyer des dispositions sur l’autodéclaration de sexe, ce comité a également proposé la suppression des articles de loi permettant de réserver certains services et emplois exclusivement à ce que l’on appelle maintenant les « femmes de naissance » (natal-born women). C’est la combinaison de ces deux propositions qui a eu pour effet d’agiter la sonnette d’alarme pour de nombreuses femmes. Nous avons donc commencé à poser des questions.

Est-ce que quelqu’un qui est né et a été élevé en tant qu’homme, qui est donc raisonnablement perçu comme un homme, doit être admis dans les espaces réservés aux femmes – vestiaires, refuges pour femmes violentées et établissements pénitentiaires ? Comment ces changements affecteraient-ils les femmes de certaines confessions religieuses qui comptent sur des exemptions autorisant la non-mixité pour accéder à des services dont elles devraient autrement se priver ? Les listes réservées à des candidatures de femmes (adoptées par les partis travailliste et libéral-démocrate) devraient-elles être mises en péril en y incluant des personnes qui demeurent légalement de sexe masculin, uniquement parce qu’elles s’autodéclarent « femme » ?

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Revendications du groupe WOMAN’S PLACE UK :
1. Une discussion respectueuse et basée sur des faits de l’impact des modifications proposées à la Loi sur la reconnaissance du sexe. Les voix des femmes doivent être entendues.
2. Le principe d’espaces réservés aux femmes doit être maintenu et, au besoin, étendu.
3. Examen de la façon dont les exemptions prévues à la loi sont présentement appliquées, afin de s’assurer du respect des besoins des femmes.
4. Le gouvernement doit consulter les organisations de femmes pour déterminer quelles séquelles aurait pour les femmes une politique de simple autodéclaration du genre.
5. Le gouvernement doit mener des consultations sur la façon dont l’autodéclaration du genre affecterait la cueillette de données et le contrôle de toute discrimination.

Je suis certaine que la plupart des personnes transgenres sont aussi décentes, charitables et ouvertes d’esprit que qui que ce soit. Mais un petit groupe agressif de militants – qui ne sont pas tous transgenres, en passant – veulent imposer une nouvelle norme de débat : toute personne qui est en désaccord avec eux, ou même qui pose de telles questions, devrait être réduite au silence, limogée ou les deux. Ils le font en nous taxant d’intolérance et de « transphobie », et se livrent à des manoeuvres aussi étonnantes qu’inquiétantes pour perturber nos réunions. Dès que Woman’s Place UK annonce une assemblée, la salle en question commence à subir des insultes et du harcèlement – tant par téléphone que sur les médias sociaux, où on les accuse d’accueillir un « groupe haineux » – comme si un groupe de femmes voulant discuter de la loi étaient dangereuses et subversives. Mais vous seriez surpris (ou peut-être pas) de l’effet toxique de l’accusation de « discours haineux ». La plupart des sites où nous nous sommes réunies ne se sont pas laissé influencer, car ils croient en la liberté d’expression. Mais quand sont apparues des menaces de violence et que la police a dû s’impliquer, nous avons déplacé l’événement.

Les personnes qui assistent à nos assemblées ou y prennent la parole sont également ciblées. Une tactique commune consiste à envoyer des messages à leurs employeurs où on les accuse de transphobie et d’incitation à la haine. Des informations personnelles sont publiées en ligne. Lors de nos assemblées, des activistes arrivent avec le visage masqué, en hurlant et lançant des jurons aux femmes à leur arrivée et à leur départ. Certaines de nos conversations portent sur la violence domestique et la maltraitance sexiste : elles sont maintenant tenues pendant que des gens se trouvant à l’extérieur tapent sur des tambours, après avoir insulté les femmes à leur entrée…

A womans place resistanceBeaucoup de femmes ont peur, et c’est compréhensible. Les gens qui nous soutiennent ne sont pas des militants aguerris, mais des mamans qui travaillent, des étudiantes, des grand-mères et d’autres personnes qui assistent à une réunion politique pour la première fois de leur vie. Certaines femmes nous ont dit qu’elles aimeraient y assister, mais qu’elles sont terrifiées par ce qui arrivera si leurs noms sont divulgués. D’autres utilisent des pseudonymes. Personne ne veut voir son employeur ou sa famille bombardés de courriels et de messages les qualifiant de fanatiques.

Après tout, il n’y a rien de fanatique à faire une distinction entre le sexe et l’identité de genre. Il n’est pas fanatique de défendre le droit des femmes à des limites qui les protègent. Les espaces non mixtes sont, par définition, exclusifs – la question est de savoir où tracer la ligne et qui en décide. Est-ce que nos assemblées excluent les personnes trans ? Absolument pas. Il y a des trans qui sont d’accord pour que les espaces réservés aux femmes soient respectés et pour la défense de nos droits. Ces personnes ont d’ailleurs pris la parole lors de nos réunions.

Les femmes inquiètes des changements proposés à la loi viennent de tous les partis ou sont non alignées. Nous ne cherchons pas à faire taire les activistes transgenristes qui ne sont pas d’accord avec nous : ils et elles ont parfaitement le droit d’être entendus. Mais cela ne leur est pas difficile, puisque des organisations caritatives très riches, des politiciens éminents et des personnalités médiatiques défendent fréquemment et bruyamment leur cause, souvent en nous intimant le silence. Les gens qui dirigent le pays entendent leurs voix tous les jours. Tout ce que nous demandons, c’est qu’ils et elles aient aussi la chance d’entendre les nôtres.

L’approche des gens qui veulent nous arrêter mise sur l’attaque, l’insulte, la violence, le harcèlement et l’intimidation – mais nous n’allons pas mimer leurs méthodes. Nous nous retrouvons à nous battre pour avoir le droit de parler ensemble de nos points de vue  – et le fait que cela devienne si difficile en Grande-Bretagne en 2018 devrait alarmer tout le monde. Nous avons trois autres assemblées prévues, à Birmingham, Cardiff et Oxford, et il y en aura d’autres dans les prochains mois. C’est beaucoup plus risqué que nous ne l’avions jamais imaginé, mais nous allons continuer à soulever ces enjeux.

A WOMANS PLACE

Version originale : https://www.spectator.co.uk/2018/03/transgender-activists-and-the-real-war-on-women/

Traduction : TRADFEM, avec l’accord de l’autrice.

photo Judith GreenVidéo de son allocution à un rassemblement de Woman’s Place UK (il y en a 9 autres!): https://www.youtube.com/watch?v=K1AAiIEHXv8

On trouvera beaucoup d’autres articles sur ces enjeux et sur cette mobilisation dans les pages du portail TRADFEM.

2 réflexions sur “Les militants transgenristes et la véritable guerre menée contre les femmes

  1. Il me semble que cela devrait être « dans quelle mesure est-il facile ».

    Dans quelle mesure est-il difficile pour les femmes de discuter librement du sexe, du genre et de la loi ? Pas beaucoup, pensais-je.

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    • Non. L’autrice croyait que la réponse à sa question était négative, donc que c’était facile. Mais elle a constaté le contraire. (Pièges de la double négation…)

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