Ma fille n’est pas transgenre. C’est une « tomboy ».

Il y a une semaine, Lisa Selin Davis, une autrice étasunienne de romans jeunesse et mère d’une préadolescente a publié la lettre ci-dessous dans les pages d’opinion du NYTimes. Des supporters du transgenrisme l’agonisent depuis d’insultes dans un blitz de « réponses » qui dure toujours. Nous publions la traduction de sa lettre comme écho d’une controverse qui fait rage et des pressions que vivent les enfants non conformes aux stéréotypes de genre et les parents qui prennent leur défense.

Pour en savoir plus au sujet de cette controverse, consulter les blogues  et fils Twitter de 4thwavenow.com, et Gendertrender.wordpress.com.

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Ma fille n’est pas transgenre. C’est une « tomboy ».

Par LISA SELIN DAVIS, le 18 avril 2017

« Je voulais juste vérifier », a dit la prof. « Votre enfant veut être appelé un garçon, n’est-ce pas? Ou est-elle un garçon qui veut être appelé une fille? Pouvez-vous me rappeler ce qui en est? »

J’ai incliné la tête. Je suis habituée à corriger des inconnus, qui prennent ma fille de 7 ans pour un garçon 100 pour cent du temps.

En fait, j’aime les corriger, en les amenant à remettre en question leur perception de ce que à quoi ressemble une fille. Mais il y avait déjà six mois que ma fille participait au programme parascolaire où cette femme enseigne.

« C’est une fille », dis-je. La femme ne semblait pas convaincue. « Vraiment. C’est une fille, et vous pouvez l’appeler une fille. »

Plus tard, lorsque j’ai relaté cette conversation à ma fille, elle a déclaré: « Plus de filles devraient avoir ce look, pour qu’il soit plus populaire et que les adultes soient moins mêlés. »

photo Tomboy_Ricardo Funari

Ma fille porte des pantalons de survêtement et des T-shirts. Elle a les cheveux courts et ébouriffés (le look qu’elle a demandé à la coiffeuse était « Luke Skywalker dans l’épisode IV »). La plupart, mais pas tous, de ses amis sont des garçons. Elle est sportive et forte, incroyablement douce, et une fille.

Et pourtant, elle se fait demander par le pédiatre, par ses professeurs, par des gens qui la connaissent depuis des années, si elle se sent, ou a envie d’être appelée ou a envie de devenir un garçon.

À bien des égards, c’est merveilleux : cela fait preuve d’une sensibilité bienvenue aux questions de non-conformité de genre et de transgenrisme. Les adultes se montrent prévenants en lui posant ces questions – au début.

Mais quand ils continuent à l’interroger son identité de genre – et se montrent sceptiques quant à sa réponse – le message qu’ils communiquent est qu’une fille ne peut pas avoir l’allure et le comportement qu’elle a et demeurer une fille.

Elle n’est pas « non conforme au genre ». Elle est non conforme aux stéréotypes du genre. Elle n’entre pas dans le moule que nous, adultes, imposons encore à nos enfants – même si nous-mêmes évitons de plus en plus des rôles sexuels vieux de plusieurs millénaires, en tant que femmes travaillant à l’extérieur du domicile et en tant qu’hommes partageant les tâches domestiques.

S’il n’en tenait qu’à eux, avons-nous la certitude que les garçons ne porteraient jamais de vêtements rose? (C’est une question rhétorique; le rose a été pendant des décennies considéré comme une couleur masculine.) Les filles rejetteraient-elles naturellement les voitures-jouets? Bien sûr que non. Pourtant, si garçons et filles montrent de telles préférences, nous les étiquetons. Étrangement, alors que nous avons accru notre conscience et notre soutien pour la non-conformité de genre, nous avons réduit les allures et les comportements autorisés à nos enfants.

Soyons clairs: si ma fille commence à penser que le genre dans son esprit et le sexe de son corps ne correspondent pas, je l’encouragerai. Je mènerai des recherches sur les inhibiteurs de puberté et les hormones (au-delà de ce que j’ai déjà appris). Je l’écouterai et prendrai des décisions en conséquence, tout comme j’ai fait quand elle a eu 3 ans et m’a demandé une cravate et une chemise boutonnée. Puis elle vit son père porter un veston (pour une fois). Ses yeux s’arrondirent et elle demanda : « Qu’est-ce que c’est? », comme si elle voyait un double arc-en-ciel envahir le ciel.

Elle était amoureuse d’un « look ». Ce look a évolué : elle est malheureusement passée de la cravate et du veston de Patti Smith aux T-shirt et pantalon tachés de survêt du « Duc » (dans « Erreur sur la personne »). Mais tout cela a toujours été seulement un look, même s’il s’est accompagné d’un rejet des princesses (qui m’a comblé d’aise, là aussi) et d’une disposition à jouer à la famille avec des garçons et des filles du moment qu’elle pouvait jouer le rôle du chien ou de l’agent de police.

Je veux que les enfants trans se sentent libres et assez en sécurité pour être qui illes sont. Mais je veux aussi que les adultes aient une idée assez fluide des rôles de genre pour qu’une fille de 7 ans puisse s’habiller « comme un garçon » et ne pas se faire demander – par des gens qui la connaissent, pas des étrangers – si elle en est un.

Le message que je veux adresser à ma fille est le suivant : tu es une fille formidable de ne pas céder aux pressions en faveur d’une certaine identité et d’une certaine allure. Je veux qu’elle soit fière d’être une fille.

Et elle commence à l’être. Elle est déjà attentive aux droits des femmes. Elle ne comprend pas pourquoi il existe des équipes sportives masculines et féminines distinctes, pourquoi les femmes gagnent moins d’argent et pourquoi elles ne gèrent pas notre pays. Elle s’identifie en tant que « tomboy » parce que c’est ce que certains enfants à l’école lui ont dit qu’elle était, même si elle m’a aussi demandé : « Pourquoi dit-on ‘tomboy’?» Quand des enfants lui disent qu’elle est dans la mauvaise salle de bains, elle leur dit : « Je suis une fille », et invariablement ils répondent : « Oh, OK. »

Les enfants comprennent. Mais les adultes, non. Tout en célébrant la diversité des identités sexuelles et de genre, nous devons également célébrer les tomboys et les autres filles qui échappent aux limites étroites des rôles de genre. Ne leur dites pas qu’elles ne sont pas des filles.

Ma fille est satisfaite de son corps et à l’aise avec son apparence, des milliers de fois plus satisfaite et à l’aise que je ne l’ai jamais été. Elle est mon héros. Ou plutôt, mon héroïne.

Lisa Selin Davis est l’auteur du roman pour jeunes adultes Lost Stars.

photo lisa selin davis

Version originale : https://www.nytimes.com/2017/04/18/opinion/my-daughter-is-not-transgender-shes-a-tomboy.html?smid=fb-nytopinion&smtyp=cur

Traduction : TRADFEM

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